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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 18:17

Elle se souvient avec douceur de ce drôle de Monsieur aux joues rouges qui passait avec sourire les yeux rieurs devant la vitrine de l’échoppe de sa mère. Elle ses nattes et ses jupes plissés, son petit tablier vert en rentrant de l’école. Elle filait à grandes enjambées dérober des sucreries acidulés dans les réserves du magasin. Et c’est toujours à cette heure que passait Monsieur Bonheur, c’est come ça qu’elle l’appelait.

 

Personne ne le savait mais elle donnait des noms aux passants de la vitrine ses clients à elle quand elle était la marchande de ses jeux d’enfants. Lui c’était Monsieur Bonheur, l’œil remplit d’étincelle, il lui redonnait en un instant le sourire après les journées de dure labeur à l’école Michelet avec Mademoiselle Grivault. Vieille fille aux allures endimanchées tous les jours de la semaine. Elle était pas tiré à 4 épingles c’était pire, elle était une épingle.

 

Gringalette avec le chemisier blanc, le serre tête et les talons carrés de la rombière qui a oublié d’être une femme. Bref les journées n’étaient pas rire, joie et bonheur ; mais pression stridente du son de sa voix qui maintenait leurs dos dans une tension verticale abominable. Alors oui, Monsieur Bonheur lui redonnait le sourire. Et elle lui vendait dans son magasin de merveille mille et une denrée de l’esprit qu’il pouvait garder près de lui pour lui permettre de préserver son rayonnement bien au chaud.

 

Mais ce qu’elle ne comprenait pas c’était pourquoi sa mère et ses pies bavardes, c’est le nom dont elle avait honoré les clientes commères qui passaient régulièrement à la boutique cherchaient on ne sait quoi car elles repartaient plus avec la mâchoire fatiguée qu’avec le sac remplit, n’aimaient pas Monsieur Bonheur ! D’après elles ça tournaient plus vers Monsieur l’Horreur !

 

Quelle incompréhension pour ce petit bout haut comme trois pommes qui voyait sa mère comme la 7ème merveille du monde se transformer le soir, au contact de ces oiseaux de mauvaises augures, comme un oisillon supplémentaire, comme si la cacophonie n’était pas déjà assez infernale.

 

Pourquoi la tendresse des câlins du sommeil, la douceur des réveils rassurant laissaient place à tant de médisance. Et du moins ce que l’on pouvait dire c’est qu’elles n’y allaient pas avec le dos de la cuillère :

-        Regardait le moi celui-là !

-        Toujours impeccable sur le dessus mais par derrière alalala.

Et le pire pour la marchande de l’imaginaire c’est quand elles s’attaquaient à son sourire.

-         Et vas y que je souris, je t’en foutrai moi !

-         Oh si je m’écoutais, je lui ferais avaler, qu’on n’y voit même plus les dents !

 

Tant d’injustice la mettait dans tous ses états bien dé fois elle a voulu intervenir et protester. Mais le passage de la rêverie à la réalité peut s’avérer quelques fois un peu complexe. Et chaque soir que la scène se reproduisait, elle se sentait toujours un peu plus vulnérable, elle avait l’impression que les baveuses endiablés l’attaquaient directement. Elle se disait demain j’y arriverai, les yeux toujours un peu plus humide chaque fois qu’un échec approchait.

Mais un soir d’été elle sentit en elle le courage de les interrompre et se lança à l’assaut du troupeau. D’une voix maladroite et discrète elle murmura : « c’est Monsieur Bonheur ».

Et la réaction fut sans appel, elles partirent toutes dans un fou rire aussi bruyant qu’humiliant en en rajoutant une couche au passage.

 

Il a fallut de longues années que la fillette devienne femme avant qu’elle apprenne qui était en réalité Monsieur Bonheur et qu’elle comprenne enfin pourquoi il était pesté à ce point par les pies vengeuses et surtout par sa mère.

Monsieur Bonheur était le député qui avait rationné les temps de douche afin de réduire les pertes et le déficit de l’Etat. Mais du temps ou les réductions étaient trop importante il a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

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commentaires

V
<br /> Monsieur Bonheur est difficile à attraper, il faut le laisser libre de venir tout seul...<br /> Amicalement<br /> Violette<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Il n'est pas demain, il est partout, à chacun ses lunettes pour le percevoir ou l'ignorer<br /> <br /> <br /> Emmanuelle<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> j'ai vu ton lien sur le Terrier des Renards et j'ai décidé de faire un petit tour sur ton blog. Une jolie façon d'écrire.<br /> très bonne journée<br /> Amicalement<br /> Violette<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci d'être venue en visite, merci pour ton compliment<br /> <br /> <br /> Bonne soirée<br /> <br /> <br /> Emmanuelle<br /> <br /> <br /> <br />

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